écrits poétiques

01.04.2024

01.04.2024

Il y avait d’abord eu l’éclat

Un jus de lumière dense jailli derrière les

sommets 

Avant l’aube

L’aveu d’un monde secret 

Nos souffles courts sur le glacier aux membres

lisses

Glisser vers le haut, terre promise

Dans le silence gravir  

Aux épaules le sac est lourd

La neige scintille, appelle et grise

Si doux, ce linceul qui pourfend tous les mots

Les choucas ont disparu

 

Les parois abrasives de cendre de rouille 

Pourraient se refermer sur nous 

Nous serions broyés, charpie de chairs 

 

La première rafale me gifle

Le ciel ramasse sa colère bouffit sa rage 

Sous nos pieds une extase se dérobe 

Je dérape je glisse vers le bas 

La montagne tousse et crache, vomit un grésil

froid 

Les tourbillons enflent, fouettent l’air opaque 

Je ne vois plus le sommet 

Je ne le vois plus

Je sens sa force, aimant répulsif

Son fer offusqué qui refuse l’étreinte

 

Je dévale, le sol se fend s’ouvre béant

 

Un instant à l’aube j’ai vu l’or soustrait aux

 regards des vivants

15.03.2024

15.03.2024

Tu disperses sur mon cœur des émotions vives

Un petit essaim bourdonnant qui me suit partout

L’entrelac de tes bras au matin pluvieux

M’imprègne

Comme un tatouage sacré

De ceux qu’un moine au visage grave

Exécute avec de fines aiguilles

Au milieu d’une forêt primaire

Dans une cabane connue seulement des initiés

04.03.2024

04.03.2024

 

Leurs haleines mêlées dans de lents baisers

pudiques

Avaient allumé un brasier

Que le souffle de l’aube raviva

Faisant imploser chaudière et conduites de

l’immeuble

Ils s’enlacèrent

Les chants des oiseaux étiraient le ciel

À jeudi, dit-elle

02.01.2024

02.01.2024

Dans l’aube poussiéreuse 

De fins grelots

C’est un message rythmé

Un message crypté, sans voix

J’écoute, paupières closes

Pas loin, les bêtes piétinent l’herbe froide

Le poil rêche sur leurs corps tièdes

La première lueur dore les reliquats de neige 

L’enclos est vaste mais c’est un enclos

Je ne tente pas de saisir ce message

C’est une transcription des mots tus

Tous ceux que nous avons avalés et avalerons

encore

Qui trouvent leur chemin ailleurs 

Dans la brume sans corps

Sous les travées forestières

Sur les pentes rocheuses

J’aime te savoir pas loin

Occupé à autre chose

Ta vie ton travail 

J’aime te savoir pas loin

Tes bras ton ventre tes fesses pleines

Ta bouche, tes dents, ta salive juteuse

Le ciel se marbre d’une unique veinule

Je bouge un orteil, le monde se cabre

14.01.2024

15.03.2024

 

À la surface du soleil, 6000 degrés environ

Tu crépites 

Mes épidermes se plaquent contre ta chair

encore

fiévreuse 

Tu me repousses, tu gardes jalousement tes

miasmes

Un flot murmuré de mes lèvres à ton cou

Ce sont des mots confus, sans structure

Mais ce sont ceux qui demandent à se glisser

dans nos souffles 

J’ai toujours été là 

Je suis là depuis des siècles 

Ma tête blottie entre ton poitrail et ton menton

Je m’enroule un peu plus serré autour de toi

J'EMBRASSE TA CHEVELURE​

Chère Ada,

 
La nuit est tombée, lourde, sur mon village.
 
Depuis des mois, je cherche à t’éloigner, je t’efface par petites touches, je gomme les contours de ton visage, de ta voix. Je me libère de toi.
Quand j’y parviens presque, tu ressurgis. Si je ne t’aimais pas autant, je dirais que tu es insupportable. Tu es celle qui revient quand on n’y croit plus.

Quand même, merci pour ta lettre. Je l’ai lue les cils humides. J’ai affiché l’enveloppe fleurie dans ma cuisine puis j’ai tout laissé en plan. Je n’ai pas songé à te résister, je me suis envolé vers toi.

Je me suis coulé dans une bague fine à ton doigt. Pas l’anneau doré qui a l’air d’une alliance. L’autre, aussi délicate, qui la surmonte, ornée d’une pierre transparente et biseautée qui fragmente la lumière. J’étais à ton doigt un jour durant.

Tu n’as pas senti ma présence.

J’étais avec toi chez la manucure. Tu peux être superficielle parfois. Amoureuse des éclats faciles, du brillant, du papier glacé.

Pourtant je t’ai entendu murmurer :

– Moi je n’aime pas les femmes trop soignées.

La manucure a sursauté :

– On n’est jamais trop soigné.

Tu as rétorqué :

– J’aime un maquillage léger, l’élégance raffinée, pour autant que cela ne vire pas à l’obsession, que cela ne masque pas un vide. Je crois aussi que le temps passé à se malaxer-botoxer le visage est du temps prélevé sur la tendresse.

La sophistication extrême révèle une faille, la crainte d’être soi, le besoin de se dissimuler derrière des paillettes. J’aime les femmes assez naturelles. Celles qui n’ont pas un deuxième visage sous la couche de fond de teint.

Et j’aime te voir décoiffée, les cheveux au vent sur ton vélo. C’est ainsi que tu es la plus intrépide, la plus sauvage, la plus séduisante.

J’ai vu ton émotion vive lorsque ta fille a évoqué la détresse psychologique de son amie. La souffrance de cette adolescente te transperce. Nos impuissances douloureuses.

Ta fille avait envie de parler. J’ai vu votre complicité renouvelée. Ton émotion encore lorsque vous avez évoqué Gaza et Isräel, ces déchirures qui défigurent le berceau de l’humanité.

Je ne sais pas pourquoi tu m’écris à nouveau, mais je sens qu’une douceur nouvelle éclot en toi… Je sais aussi que tes cyclones intérieurs peuvent se lever d’un instant à l’autre, imprévisibles. Serais-tu vexée si je te dis qu’avec le temps, tes tornades m’attendrissent?
J’ai fait mine de t’oublier, pourtant la magie de tes gestes demeure, sceau invisible.
 
Accroche-toi à la douceur.
 
J’embrassse ta chevelure, souple et soyeuse. Comment aurais-je pu en oublier la couleur ?
 
Theus