17.03.2025
IV.
Ce matin depuis mon Promontoire
– nous l’appelons ainsi –
j’ai aperçu une voile.
J’ai tout de suite pensé à Léo.
J’ai couru avertir Marco, qui était introuvable,
parti cueillir
des herbes dans le maquis.
Dans notre situation actuelle,
je suis devenue patiente.
Quand Marco est réapparu,
nous avons foncé vers le rivage,
gravissant la roche à toute blinde,
mais le triangle pâle s’était évaporé.
Nous avons enfourché nos vélos
pour aller guigner de l’autre côté de la baie.
Nous avons pédalé fort, mes joues brûlantes,
des spasmes soulevant ma poitrine
quand nous avons fait halte.
Au loin, un bateau faisait cap vers l’Espagne.
Ce doit être encore plus sec et décharné,
là-bas. Léo est un bon navigateur,
me dit Marco, ce n’est pas lui,
il n’a pas pu s’égarer, impossible.
Nous avons baissé les yeux.
Hier Marco est rentré tard,
après la tombée du jour.
Cela ne s’était jamais produit.
La panique m’a saisie.
Des tremblements ont secoué
mes mains, mon ventre.
J’avais préparé une soupe
et des amandes grillées.
J’ai allumé les bougies et j’ai tenté de lire.
D’abord un roman, puis de la poésie,
des nouvelles,
nous avons une multitude
de livres ici,
j’ai essayé tout un tas de choses,
en vain,
mon esprit affolé caracolait.
Et s’il ne revenait pas ?
J’ai eu un pincement au cœur en pensant
à tous ces numéros d’urgence
que je n’avais jamais composés autrefois.
Les temps reculés.
Je m’étais assoupie dans mes larmes,
recroquevillée dans l’un des canapés
de velours élimé,
quand une ombre a envahi la cuisine
et la flamme des bougies a vacillé.
– Tu t’es inquiétée ?
Je me suis levée d’un bond
et me suis lovée dans ses bras.
Il m’a décrit sa rencontre avec une pieuvre,
animal fabuleux. Il l’avait suivie,
l’observant se transformer
dans les courants, se camoufler
en de souples contorsions,
adopter forme et teintes
d’un rocher, d’algues,
avant de se fondre dans le sable.
Bête intelligente, quand elle l’avait voulu,
elle l’avait semé.
Transi de froid, Marco était remonté
sur une plage à quelques kilomètres de là
et avait marché
sur la route, long fleuve laiteux.
Sous les étoiles, heureux, nullement pressé.
Nous avons convenu que plus jamais
il ne me laisserait seule dans l’obscurité.
J’ai déballé à nouveau toutes mes peurs
face à l’encre de la nuit, qu’il connaissait.
Nous avons dormi ensemble dans son lit.
Nous nous sommes blottis l’un contre l’autre.
Marco a saisi mes hanches.
Nos corps s’attiraient
et nos mains ont esquissé des caresses
du bout des doigts, comme des plumes.
Mais nous nous en sommes tenus là.
Par crainte de tout faire chavirer.
Nous ne pouvons pas nous permettre
de tout faire chavirer.