Theus,
La neige arrive en plaine ! Je suis cette enfant qui scrute le blanc du ciel.
Je sais que tu boudes. Je sais que nous nous sommes éloignés, qu’on ne s’aime plus comme avant. Que nos bébés koalas ne flotteront pas dans mon liquide amniotique, que nous ne passerons plus des nuits entières à interroger les étoiles.
Mais je suis la cité amie, le fanion qui indique le point de ravitaillement. Je suis le refuge chaud, le pelage de mammouth. Je suis la tisane aux bourgeons d’origan.
Ok, tout s’effondre. Mais n’aie pas peur. Ce bazar sans nom, c’est une phase. C’est normal. Nous allons passer au travers, toi et moi.
Oui, tout s’effondre. C’est ok. La terre gronde.
Et le ciel?
Bientôt, je serai dans la neige. Je m’y plongerai des pieds au cou. Et ce sera sensuel comme une nuit dans des draps frais. Ce sera long et tendre et profond. Plaisir recherché sans hâte, les yeux rivés aux sommets.
Je te parle une langue que tu ne comprends peut-être plus. Je suis sur un autre versant. Pas loin. Ailleurs.
Bien sûr, je me souviens d’Amélie-les-Bains. De notre ivresse sans alcool. Des chevaux qui semblaient connaître les enfants depuis toujours. Des tongs nippones, des services à thé et du papier à origami dans la rocaille des Pyrénées. Notre ami de Barcelone dans son épicerie japonaise au milieu de la Cerdagne. Ton gag avec les parapluies pour nous indiquer le chemin. Mon escapade vers l’église romane et les petites boules de métal installées par les nonnes pour éloigner la foudre. Les broussailles, le chemin escarpé. Encore le chemin qui monte. C’était beau. C’est du passé. Et j’ai aimé tout cela.
Bientôt je serai dans la neige. Cristaux crissant sous mon poids.
Ou alors je serai neige. Flocon. Et je m’envolerai, chahutée par les vents.
Ada