Il y avait d’abord eu l’éclat
Un jus de lumière dense jailli derrière les
sommets
Avant l’aube
L’aveu d’un monde secret
Nos souffles courts sur le glacier aux membres
lisses
Glisser vers le haut, terre promise
Dans le silence gravir
Aux épaules le sac est lourd
La neige scintille, appelle et grise
Si doux, ce linceul qui pourfend tous les mots
Les choucas ont disparu
Les parois abrasives de cendre de rouille
Pourraient se refermer sur nous
Nous serions broyés, charpie de chairs
La première rafale me gifle
Le ciel ramasse sa colère bouffit sa rage
Sous nos pieds une extase se dérobe
Je dérape je glisse vers le bas
La montagne tousse et crache, vomit un grésil
froid
Les tourbillons enflent, fouettent l’air opaque
Je ne vois plus le sommet
Je ne le vois plus
Je sens sa force, aimant répulsif
Son fer offusqué qui refuse l’étreinte
Je dévale, le sol se fend s’ouvre béant
Un instant à l’aube j’ai vu l’or soustrait aux
regards des vivants
Chère Ada,
Quand même, merci pour ta lettre. Je l’ai lue les cils humides. J’ai affiché l’enveloppe fleurie dans ma cuisine puis j’ai tout laissé en plan. Je n’ai pas songé à te résister, je me suis envolé vers toi.
Je me suis coulé dans une bague fine à ton doigt. Pas l’anneau doré qui a l’air d’une alliance. L’autre, aussi délicate, qui la surmonte, ornée d’une pierre transparente et biseautée qui fragmente la lumière. J’étais à ton doigt un jour durant.
Tu n’as pas senti ma présence.
J’étais avec toi chez la manucure. Tu peux être superficielle parfois. Amoureuse des éclats faciles, du brillant, du papier glacé.
Pourtant je t’ai entendu murmurer :
– Moi je n’aime pas les femmes trop soignées.
La manucure a sursauté :
– On n’est jamais trop soigné.
Tu as rétorqué :
– J’aime un maquillage léger, l’élégance raffinée, pour autant que cela ne vire pas à l’obsession, que cela ne masque pas un vide. Je crois aussi que le temps passé à se malaxer-botoxer le visage est du temps prélevé sur la tendresse.
La sophistication extrême révèle une faille, la crainte d’être soi, le besoin de se dissimuler derrière des paillettes. J’aime les femmes assez naturelles. Celles qui n’ont pas un deuxième visage sous la couche de fond de teint.
Et j’aime te voir décoiffée, les cheveux au vent sur ton vélo. C’est ainsi que tu es la plus intrépide, la plus sauvage, la plus séduisante.
J’ai vu ton émotion vive lorsque ta fille a évoqué la détresse psychologique de son amie. La souffrance de cette adolescente te transperce. Nos impuissances douloureuses.
Ta fille avait envie de parler. J’ai vu votre complicité renouvelée. Ton émotion encore lorsque vous avez évoqué Gaza et Isräel, ces déchirures qui défigurent le berceau de l’humanité.