Dans l’aube poussiéreuse
De fins grelots
C’est un message rythmé
Un message crypté, sans voix
J’écoute, paupières closes
Pas loin, les bêtes piétinent l’herbe froide
Le poil rêche sur leurs corps tièdes
La première lueur dore les reliquats de neige
L’enclos est vaste mais c’est un enclos
Je ne tente pas de saisir ce message
C’est une transcription des mots tus
Tous ceux que nous avons avalés et avalerons
encore
Qui trouvent leur chemin ailleurs
Dans la brume sans corps
Sous les travées forestières
Sur les pentes rocheuses
J’aime te savoir pas loin
Occupé à autre chose
Ta vie ton travail
J’aime te savoir pas loin
Tes bras ton ventre tes fesses pleines
Ta bouche, tes dents, ta salive juteuse
Le ciel se marbre d’une unique veinule
Je bouge un orteil, le monde se cabre
Chère Ada,
Quand même, merci pour ta lettre. Je l’ai lue les cils humides. J’ai affiché l’enveloppe fleurie dans ma cuisine puis j’ai tout laissé en plan. Je n’ai pas songé à te résister, je me suis envolé vers toi.
Je me suis coulé dans une bague fine à ton doigt. Pas l’anneau doré qui a l’air d’une alliance. L’autre, aussi délicate, qui la surmonte, ornée d’une pierre transparente et biseautée qui fragmente la lumière. J’étais à ton doigt un jour durant.
Tu n’as pas senti ma présence.
J’étais avec toi chez la manucure. Tu peux être superficielle parfois. Amoureuse des éclats faciles, du brillant, du papier glacé.
Pourtant je t’ai entendu murmurer :
– Moi je n’aime pas les femmes trop soignées.
La manucure a sursauté :
– On n’est jamais trop soigné.
Tu as rétorqué :
– J’aime un maquillage léger, l’élégance raffinée, pour autant que cela ne vire pas à l’obsession, que cela ne masque pas un vide. Je crois aussi que le temps passé à se malaxer-botoxer le visage est du temps prélevé sur la tendresse.
La sophistication extrême révèle une faille, la crainte d’être soi, le besoin de se dissimuler derrière des paillettes. J’aime les femmes assez naturelles. Celles qui n’ont pas un deuxième visage sous la couche de fond de teint.
Et j’aime te voir décoiffée, les cheveux au vent sur ton vélo. C’est ainsi que tu es la plus intrépide, la plus sauvage, la plus séduisante.
J’ai vu ton émotion vive lorsque ta fille a évoqué la détresse psychologique de son amie. La souffrance de cette adolescente te transperce. Nos impuissances douloureuses.
Ta fille avait envie de parler. J’ai vu votre complicité renouvelée. Ton émotion encore lorsque vous avez évoqué Gaza et Isräel, ces déchirures qui défigurent le berceau de l’humanité.